Attachement et scolarité : quel est le lien?
- Marie Laumuno
- 29 juil. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 août 2023

Cet article fait suite aux différents articles sur l'attachement dont "la théorie de l'attachement selon John Bowlby" et "Les différents styles d'attachement", que vous pouvez lire en amont pour mieux comprendre.
Je m'intéresse ici aux enfants d'âge scolaire car ce sujet me passionne et grâce à mon expérience professionnelle et mon expertise, j'ai pu mieux comprendre les élèves en difficultés.
Les différents styles d'attachement en milieu scolaire
L'enfant ayant un attachement dit "sécure"
Mes émotions sont bien régulées et mentalisées. La nouveauté me stimule et je suis prêt pour les apprentissages et les tâches scolaires. Si je n'arrive pas à effectuer l’exercice demandé, je solliciterai l’aide de mon enseignant et j'écouterai ses explications. Ainsi, je réussirai ma tâche. Cela me permettra de développer un sentiment d'efficacité qui me donnera confiance en moi.
L'enfant ayant un attachement dit "insecure évitant"
"Lorsque je n’arrive pas à effectuer la tâche scolaire, je vais me tenir à distance de mon enseignant que je ne trouve pas rassurant. Je me concentre uniquement sur l’exercice, même si je bute, je contrôle mes émotions négatives. À aucun moment je ne demanderai de l’aide à mon enseignant." (
L'enfant ayant un attachement dit "insecure anxieux ou ambivalent"
"Je suis débordé par mes émotions et je n’arrive pas à me concentrer sur mes tâches scolaires. J’abandonne rapidement les exercices si je ne suis pas aidé. Si je ne suis pas sûr de la disponibilité de l'enseignant envers moi en cas de besoins, je me sens en concurrence avec les autres élèves de ma classe. Je vais chercher à avoir toute l’attention de mon enseignant. Je peux me montrer collant, et je change souvent d'humeur. Mes résultats scolaires dépendent de la capacité de l'enseignant à m’apaiser pour que j’investisse l'exercice proposé."
L'enfant ayant un attachement dit "insecure desorganisé"
"Je vais présenter des troubles comme l’impulsivité, l’instabilité psychomotrice, l’agressivité, l’opposition. Je suis dans des états nerveux que je n’arrive pas à maîtriser. J’ai du mal à accomplir des tâches d’apprentissage. Je me montre comme un grand perturbateur dans la classe. Je n’accorde aucune confiance à l’adulte. J’ai un déficit attentionnel important qui fait que la tâche scolaire n’est pas investie. Ici, la relation avec l’enseignant est parfois inexistante."
Un attachement insecure impacte de façon négative la scolarité
Un attachement sécurisé développe de façon optimale le cerveau de l'enfant/adolescent, et plus particulièrement le néocortex, siège des fonctions exécutives supérieures (langage, raisonnement, mémoire de travail…) et de nos réponses émotionnelles (régulation de nos émotions, inhibition des impulsions...).
Un enfant/adolescent sécurisé se montrera sociable, empathique et manifestera une bonne estime de soi. Il deviendra autonome. Ce sera plus facile pour lui de gérer ses émotions et ses impulsions.
Un enfant/adolescent vivant un attachement insécure sera plus dans le retrait social, les plaintes somatiques, les comportements oppositionnels et agressifs. Ce sera moins facile pour lui de gérer ses émotions et ses impulsions.
Les enfants à l'attachement insécure ont tendance à être fermés à tout enseignement. Ils perçoivent le monde comme hostile puisque personne ne répond de façon adaptée à leurs émotions ou à leurs besoins lorsqu'ils sont en détresse. Ils ne sont donc pas disponibles psychiquement.
Ils vivent la classe comme un combat et n’ont aucun plaisir à l’explorer. Ils sont dans l'incapacité de nouer des relations sécurisantes avec leurs professeurs et leurs camarades de classe.
Ils n’ont plus envie d'apprendre. Ils souffrent, se dévalorisent, développent de nombreux troubles du comportement comme l'agressivité (physique, verbale) ou des manifestations anxieuses ou dépressives : tout ceci n'est pas propice aux apprentissages.
Les effets perturbateurs des troubles affectifs des élèves sur leur vie mentale et leurs apprentissages sont bien connus des enseignants. Les élèves angoissés, déprimés ou furieux sont incapables d'apprendre et ceux qui s'enferment dans ces états émotifs n'enregistrent pas l'information ou n’en tirent pas le meilleur parti : le “cerveau émotionnel” prend le dessus sur le “cerveau pensant”.
“En un sens, nous avons deux cerveaux, deux esprits et deux formes différentes d'intelligence : l'intelligence rationnelle et l'intelligence émotionnelle. La façon dont nous conduisons notre vie est déterminée par les deux, l'intelligence émotionnelle importe autant que le QI. En réalité, sans elle, l’intellect ne peut fonctionner convenablement.” (Daniel Goleman, L'intelligence émotionnelle, analyser et contrôler ses sentiments et ses émotions, et ceux des autres)
Les modèles relationnels que nous avons intériorisés influencent donc considérablement nos fonctionnements émotionnels et affectifs, nos modes de pensée et de comportement, ainsi que nos modes relationnels, c'est-à-dire la manière dont nous tissons et cultivons des liens avec nos camarades de classe, nos amis, nos enseignants, et plus tard, nos partenaires amoureux.
Il faut savoir que tout n’est pas joué définitivement. La science et l'expérience montrent que nous pouvons transformer nos anciens modes de fonctionnement, grâce à l’auto-analyse, la thérapie, à une meilleure compréhension de nos liens d'attachement, et à la rencontre de personnes sécurisantes. Grâce à la plasticité cérébrale, notre cerveau est capable de se modifier tout au long de notre vie en fonction de nos expériences.
Bonne nouvelle n'est-ce pas ?
Dans un prochain article, nous verrons en quoi le rôle de l'adulte dans l'éducation peut être important.
Marie Laumuno
Infirmière puéricultrice
Sources :
- Catherine Gueguen, Heureux d'apprendre à l'école, comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l'éducation, Les Arènes, 2018
- Christel Jerez, Août 2019, L’influence du lien d'attachement sur la réussite scolaire, consulté sur https://www.prevention-sante.eu/psychologie/linfluence-du-lien-dattachement-sur-la-reussite-scolaire
- Daniel Goleman, L'intelligence émotionnelle, analyser et contrôler ses sentiments et ses émotions, et ceux des autres, J’ai Lu, 2014
- Daniel Siegel, Le cerveau de votre adolescent, comment il se transforme de 12 à 24 ans, Les Arènes, 2018
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