Quel est l'impact des punitions sur les enfants ?
- Marie Laumuno
- 18 sept. 2023
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 avr. 2024
"Les punitions ça ne lui fait plus rien!”
"Il ne m'écoute plus!"
"Elle n'en fait qu'à sa tête!"

Tant que les enfants sont petits, on ne se rend pas bien compte des effets néfastes des punitions. Souvent, les enfants n’ont pas d’autre choix que de se soumettre, ou de se rebeller mais à quel prix?
Parfois, ce sera pour faire plaisir à leurs parents. D’autres fois ce sera la peur qui dominera, la peur de perdre l’amour de leurs parents : c’est un besoin vital pour tout enfant que d’être aimé par ses parents.
Certains deviendront insupportables car ce sera le moyen qu'ils auront trouvé pour se faire entendre!
Arrivés à l’adolescence, parfois même avant pour certains enfants, ils deviendront agressifs ou insensibles. Ils seront de plus en plus durs, ils se créeront comme une sorte de carapace pour ne plus être atteints.
Punitions et VEO : quel est le lien?
Les punitions sont une forme de violences éducatives ordinaires, dite psychologique.
"L’acronyme « VEO » est la Violence (physique, psychologique ou verbale) utilisée envers les enfants dans une intention Éducative(pour leur « bien », pour qu’ils aient un « bon comportement »), culturellement admise et tolérée, dans tous les lieux et tous les milieux ; elle en devient alors « Ordinaire ».
Nous trouvons dans le registre des VEO :
les violences physiques : fesser, gifler, mettre des « petites » tapes sur les mains, secouer, tirer les oreilles, bousculer, pousser, priver de nourriture…
les violences psychologiques : punir, culpabiliser, faire du chantage, menacer, priver d’affection, menacer d’abandonner l’enfant…
les violences verbales : crier, insulter, se moquer, humilier…"
"La VEO regroupe donc tous les moyens violents que les parents utilisent pour faire obéir l’enfant et changer son comportement. La VEO se transmet ainsi de génération en génération : les parents reproduisent ce qu’ils ont vécu lorsqu’ils étaient enfants et pensent ainsi donner « une bonne éducation » à leur enfant. Notre société est marquée par certaines croyances erronées selon lesquelles « l’obéissance et les châtiments corporels seraient des principes éducatifs ». Ces « principes éducatifs » sont le fruit d’une méconnaissance du développement cognitif et affectif des enfants. Certains parents et éducateurs interprètent donc, à tort, les comportements de leur enfant (en les qualifiant notamment de « caprices ») et il est très répandu de croire qu’un enfant deviendrait un « enfant-roi » si les parents ne le punissent pas quand il se « comporte mal »"¹.
Dans les VEO, il y a un rapport de domination-soumission qui fait que les droits des enfants ne sont pas respectés comme ceux de n’importe quel individu. C’est l’adulte qui impose et utilise toutes sortes de stratagèmes pour obtenir l’obéissance de l’enfant. C'est ce qu'on appelle "adultisme".
Mon avis? C'est ce même rapport délétère dans toutes les relations humaines où certains se sentent supérieurs à d’autres et/ou abusent de leurs “pouvoirs” (supériorité hiérarchique, inégalité hommes-femmes, racisme, harcèlement, violences…). C'est un mal bien ancré dans notre société.
L'enfant a t-il les capacités d’obéir?
J’ai observé une maman à l'extérieur, l’enfant semblait vouloir quelque chose qui était dans un sac. La mère ne voulait pas qu’il y touche. “Arrête! Je t’ai dit de ne pas toucher! Arrête!” La tape est partie sur la main de cet enfant de 2 ans qui, visiblement, avait contrarié sa mère. Il s’est mis à pleurer et pour seule consolation, la mère lui a tiré le bras en lui ordonnant de la regarder dans les yeux et lui a dit de ne plus jamais recommencer…
Cette situation est très fréquente mais qu’est-ce qui fait qu’il n’a pas écouté sa mère ?
Un cerveau immature

Le cerveau de l’enfant n’est pas mature comme celui de l’adulte. Saviez-vous que la partie qui permet d’inhiber un comportement fait partie du cortex pré-frontal et qu’elle sera mature vers 25-27 ans. C’est aussi là que se fait la régulation émotionnelle, l'anticipation, le raisonnement, la prise de décision. C’est le siège des fonctions cognitives supérieures, fondamentales pour les apprentissages. C'est le toit de la maison.
Les zones cérébrales qui concernent la compréhension, le langage et l’inhibition ne sont pas situées au même endroit. Pour un enfant qui parle, il va être capable de répéter ce que vous lui avez dit, d'acquiescer…mais s'empêcher de faire quelque chose n’est pas situé dans la même zone du cerveau. Donc il peut comprendre, répéter mais pas forcément inhiber : c'est-à-dire, s´empêcher de faire quelque chose.
Pourquoi certains écoutent et d’autres non?
“Moi, mon enfant il m’obéit. Il écoute quand je lui dis de ne pas faire quelque chose.”
Il arrive effectivement que l’enfant “écoute” son parent.
Dans son livre “Parentalité Affirmée, et si le capitaine du navire familial, c’était vous ?” Charlotte Uvira nous explique que pour des raisons qui ne sont pas clairement définies, dans une même situation, deux enfants ne vont pas réagir de la même façon.
Dans le cas de ce petit garçon, si sa motivation première était de faire plaisir à sa mère, il aurait pu obéir et ne pas toucher le sac. Seulement là, cela n’a pas été le cas. Probablement, la motivation de cet enfant était d’obtenir quelque chose qui était à l’intérieur de ce sac (qui semblait être le sien), pour répondre à un besoin d'exploration peut-être, et il ne pouvait pas s'en empêcher, du fait de son immaturité cérébrale. Il n’a pas accès à ce contrôle inhibiteur².
Ce qui explique qu’en fonction de sa motivation, du besoin qui doit être satisfait, l'enfant ne sera pas capable d’inhiber son comportement.
La peur
En faisant peur à l'enfant, en le menaçant, on fait en sorte que les enfants craignent les adultes. Lorsqu'ils crient, menacent ou punissent, les adultes stressent l'enfant qui a peur de perdre l'affection de ses parents et cela le terrorise. Sur le coup, l'enfant "obéit, mais en cas de répétitions, à termes, l'enfant va perdre confiance progressivement en l'adulte³.
Sachant cela, aura un impact sur sa relation envers cet adulte et les autres adultes que l'enfant sera amené à rencontrer plus tard.
En milieu scolaire
Les punitions sont toujours de mise. Notamment en milieu scolaire où, bien souvent, c’est l’escalade. Devant des élèves qui continuent à avoir des comportements dits "inappropriés", allant parfois, jusqu’à l’exclusion définitive pour des faits graves, qui doivent être sanctionnés, ou lorsque l'on a épuisé les outils disponibles pour ces élèves….Et malgré cela, les mauvais comportements continuent, même dans d'autres établissement.
Oui, le problème n'a pas été réglé dans la mesure où on n'a pas permis à l'enfant de réparer, ni de prendre la mesure de ses actes, ce que ne permettent pas les punitions.
De nombreuses études et recherches ont prouvé que les punitions étaient délétères pour le développement de l'enfant. Elles ne lui permettent pas de comprendre, ni de s'autoréguler. Dès que “le chat n’est pas là, les souris dansent”; l’enfant se comporte bien mais dès que l'adulte est absent, les règles sont bafouées. C’est comme si on mettait un couvercle sur des comportements et qu’à la moindre occasion ce couvercle sautait.
Quelles sont les conséquences des punitions?
Une perte de confiance
Au-delà, du fait que les punitions apprennent à l’enfant le rapport de force, de domination que l’adulte exerce sur lui, l’enfant perd la confiance envers l’adulte qui s’occupe de lui. Il ne se sent pas respecté et ressent de la colère envers celui-ci.
Dans ces conditions, il apprend à obéir à l’adulte par crainte des conséquences, ce qui le poussera à avoir des comportements inadaptés pour échapper à la punition.
Objectifs inconscients de l'enfant
En discipline positive, Jane Nelsen nous parle des réactions inconscientes que cela provoque chez l’enfant telles que :
- la rancœur, « C’est pas juste. Je ne peux pas faire confiance aux adultes »,
- la rébellion, « Je vais faire exactement l’inverse pour leur prouver qu’ils ne peuvent pas m’obliger à faire ce qu’ils veulent. »
- le retrait (dissimulation), « La prochaine fois je ne me ferai pas prendre. » (Baisse de l’estime personnelle : « je ne vaux rien. »)
- la revanche, « Bon, là, c’est eux qui gagnent, mais je les aurai la prochaine fois. »⁴
L’enfant se sentant humilié, rabaissé n’a pas du tout envie de coopérer ou de mieux faire. Il a envie de faire semblant pour échapper à la punition, de se venger ou de faire plaisir. Il est motivé par des sentiments négatifs qui ne lui permettent pas d’intégrer les valeurs positives que les adultes souhaitent qu’il acquiert pour sa vie future.
Une accumulation néfaste du stress
Ajouté à cela, il y a le stress que les punitions engendrent sur l'enfant. En effet, quand l’enfant a peur, qu’il est en colère, angoissé ou triste, cela provoque la sécrétion d’hormones (l'adrénaline, la noradrénaline et le cortisol) qui, à un taux normal permet à l'enfant d’être plein d’énergie.
À doses répétées et élevées, cet excès d’hormones envahit le corps qui se met alors en hyper vigilance. Tout ceci met l'enfant dans un état constant de colère et/ou d’angoisse prêt à attaquer, fuir ou à se replier.⁵ Le cerveau se met alors en mode “survie” : attaque, fuite, ou figement.
Cet état constant explique des modifications psychologiques et comportementales importantes, amenant l’enfant à vivre les autres comme une menace persistante et perd ainsi totalement confiance en lui, et en les autres.⁶
Si l’enfant est inhibé ou qu'il fuit, il peut être amené à se sentir déprimé, à se soumettre par peur, et à s’isoler. S’il attaque, il risque d’être agressif, sur la défensive et d’être en conflit en permanence.
On comprend alors très bien ce qui se passe pour certains adolescents qui sont constamment dans les conflits avec leurs pairs, en lutte constante envers les adultes, et même envers ceux qui essayent et qui veulent les aider.
Une altération du développement cérébral
De plus, le stress va empêcher le développement optimal du cerveau de l’enfant qui est en construction. Le stress provoque la destruction des neurones.⁷ Les connexions neuronales ne se font pas correctement. Certaines structures fondamentales qui ont un rôle dans la mémoire, l’apprentissage, la régulation des émotions, l'attention, le plaisir, la motivation, le sommeil, l’humeur, l'empathie… auront du mal à fonctionner de façon optimale.
Cet état de stress empêche donc l’enfant de mobiliser toutes ses ressources cérébrales, ce qui défavorise les apprentissages et a donc un impact sur sa scolarité
Parentalité positive = laxisme ?
A ce moment-là, ce dont a besoin l’enfant pour se calmer et retrouver un état de bien-être, c’est justement ce qu’on ne donne pas aux enfants les plus difficiles : de l’amour, de l’affection, de l'attention.
On pense à tort, que seuls les bons comportements nécessitent une attention positive de l’adulte, or comme le dit si bien Isabelle Filliozat
“l’amour n’est pas une récompense, c’est un carburant”.
Dans le même principe où l'enfant ne peut inhiber un comportement, s’il a besoin d'affection et d'attention il fera tout pour l’obtenir, même si c’est en étant réprimandé par l’adulte, qui, à ce moment-là, sera présent pour lui bien malgré lui, en apportant de l’attention à l’enfant, même "négative".
Adulte chaleureux et empathique

Lorsque nous aurons intégré que les comportements inappropriés de nos enfants ne sont que les résultats de toutes les actions que nous avons mises en place pour faire en sorte que les enfants nous écoutent, nous aurons compris que nous ne sommes absolument pas sur le bon chemin et que nous en sommes tous responsables.
Je pense que changer de regard sur l’enfant, limiter l’utilisation des punitions et plus largement des VEO, aurait un impact beaucoup positif et efficient sur la société entière.
Marie Laumuno
Infirmière puéricultrice
Sources :
¹ Consulté sur https://www.stopveo.org
² UVIRA C. Parentalité affirmée, et si le capitaine du navire c’était vous?, Happyologie, p. 141-142
³ GUEGUEN C., Pour une enfance heureuse, repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, pocket, p.272-273
⁴ NELSEN J., La Discipline Positive, en famille, à l’école, comment éduquer avec fermeté et bienveillance, poche Marabout, 2018, p.32-33
⁵ GUEGUEN C., Pour une enfance heureuse, repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, pocket, p.162-163
⁶ Op. cit, p.164-165
⁷ Op. cit, p.166-168
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