Mieux appréhender les relations parents/enfants : attachement et sécurité
- Marie Laumuno
- 27 juil. 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 avr. 2024

La situation "étrange"
Grâce à Mary Ainsworth, une proche collaboratrice de John Bowlby, différents styles d'attachement ont pu être mis en évidence grâce à l'expérience de la "situation étrange".
Cette expérience consiste à observer les réactions d'un enfant âgé de 12 mois, dans une pièce avec sa figure d’attachement (la mère le plus souvent) lors d'une succession de séparations et de retrouvailles.
Dans un même temps, une personne étrangère est introduite dans la pièce. On observe ensuite les comportements de l’enfant suite au stress de la séparation. Les comportements de chacun apporteront des éléments particuliers, qui ont permis de mettre en évidence 4 catégories.¹
Cela va nous permettre de mieux comprendre les relations parents/enfants.
Les différents styles d'attachement
1. Sécurisé (environ 60% des personnes)
Lorsque l’enfant est séparé de sa figure d'attachement, il proteste à son départ. Il est soulagé lorsqu’il la retrouve et recherche sa proximité afin de trouver du réconfort. Ensuite, il retourne explorer la pièce. La figure d'attachement répond aux signaux émotionnels et surtout, ceux de détresse de façon adaptée et constante. L’enfant se sent protégé. Il active son système d’attachement uniquement en cas d’absence de l’adulte.
Ma représentation de moi et des autres en fonction de l'attachement secure
Je vais alors apprendre qu’exprimer mes besoins enclenche une réponse aimante et qu’on va s’occuper de moi. Je sais que je mérite de l'affection et que j'ai de la valeur en tant que personne. Je vais me sentir en sécurité pour aller vers les autres, et explorer mon environnement. Je vais trouver les ressources nécessaires pour m'adapter aux épreuves de la vie car j’ai suffisamment confiance en moi et en l'autre. J’ai une représentation positive de moi et des autres.
Ce modèle sécurisant permet de réguler ses émotions, de comprendre qui je suis et de nouer des relations mutuellement gratifiantes avec les autres.
2. Évitant (environ 20%)
Dans cette situation, l'enfant ne semble ni affecté par le départ du parent ni par son retour. Les demandes de l'enfant sont accueillies par de l’indifférence, du rejet ou de l’agressivité. L’enfant montre de l'indifférence ou de la colère lorsque l’adulte revient. Le système d'attachement est inhibé : il l'évite au lieu de chercher à être réconforté par lui. Il ne manifeste pas de détresse ou de recherche de contact. Il peut ne pas montrer d'inquiétude lors du départ de la mère, faisant mine de continuer à jouer lorsqu'elle revient².
Ma représentation de moi et des autres en fonction de l'attachement évitant :
J'apprends en tant qu’enfant que se montrer vulnérable a des conséquences négatives. Je choisis donc de ne compter que sur moi-même. Je ne vais pas vers les autres, je réprime mes émotions et mes besoins de peur d'être rejeté : je désactive mon système d'attachement (évitement). Je ressens du stress mais je ne le montre à personne. Je suis froid, distant et ne demande pas ou peu de soutien. J’ai une représentation positive de moi (je n’ai besoin de personne) et négative des autres.
Dans ce modèle, je me sens déconnecté des personnes qui me sont proches, mais aussi de mes propres émotions et besoins.
3. Anxieux ou ambivalent (environ 10% des personnes)
Quand l’adulte quitte la pièce, l'enfant montre de l'anxiété. Il ne se calme pas malgré le retour du parent : le système d’attachement est “hyperactivé”.
La figure d'attachement a des réactions imprévisibles lorsque l'enfant montre des signes de détresse. Les demandes peuvent être accueillies tantôt avec enthousiasme et chaleur, tantôt avec colère ou indifférence.
L’enfant prend un comportement de résistance où il est à la fois en colère, et à la recherche sa proximité.
Ma représentation de moi et des autres en fonction de l'attachement anxieux
Étant dans l'impossibilité de décoder le comportement de mon parent, je me sens déstabilisé. Ainsi, je suis à un moment heureux d’être avec lui et à un autre moment en colère de ne plus l’avoir pour moi. Je ne sais pas sur quel pied danser car l’adulte en question n’est pas un refuge sûr.
Alors, je le sollicite de manière très fréquente pour capter son attention. À force, je me sens perdu, seul, et peu sûr de moi. J’ai peur d'être abandonné, alors je m’accroche à lui et je ne vais pas explorer, ni faire de nouvelles expériences.
Je suis méfiant vis-à-vis des autres et en même temps, j'ai besoin d'être proche de quelqu’un pour être rassuré. Je ne sais pas comment faire plaisir à l’adulte alors j’en conclus que je ne mérite ni amour, ni affection. J’ai une représentation négative de moi et positive des autres.
Ce modèle insécurisant ne me permet pas de me sentir calme et apaisé intérieurement.
4. Désorganisé (environ 10%)
Cette dernière partie concerne des enfants qui n’ont pas réussi à mettre en place une stratégie d’attachement cohérente. Ce style a été mise en évidence par Mary Main. L'enfant est totalement désorienté, il se fige lors du retour de la figure d'attachement en montrant appréhension, confusion voire dépression. L’enfant manifeste de la peur. Le parent peut être maltraitant.
Ma représentation de moi et des autres en fonction de l'attachement désorganisé :
En tant qu'enfant je ne sais pas quoi faire car je ne me sens pas en sécurité, ni lorsque je suis loin de ma figure d'attachement, ni lorsque je suis près d’elle. Je développe une mauvaise estime de moi. Je vis dans un contexte familial très défavorable³.
Ce modèle me rend vulnérable. J’ai du mal à réguler mes émotions, à entretenir de bonnes relations avec les autres et à élaborer une pensée claire sous l'effet du stress.
Chaque mode de fonctionnement est comme un mode automatique en cas de stress, inconscient qui a permis la survie de chaque individu, en fonction de son style d'attachement.
Ils ont été présentés de façon séparée mais, et je pensais qu'on était soit l'un soit l'autre mais Gwénaëlle Persiaux, dans son livre "Guérir des blessures d'attachement : apprendre à construire des liens apaisés" nous explique :
"Mais dans la "vraie vie", nous avons en fait des tendances ou des dimensions sécure, évitante, anxieuse ou désorganisée plus ou moins fortes selon notre tempérament et notre vécu. Imaginez une table de mixage avec quatre cursuers positionnés plus ou moins haut. Chaque curseur indique votre niveau sur les quatre dimensions sachant, en toute logique, que lorsque le curseur sécurité est élevé, les trois autres curseurs (d'insécurité) sont plutôt bas et moyen et inversement."⁴
De plus, cet attachement évolue en fonction des expériences de vie et des rencontres. Il est possible d'avoir un attachement sécure suite à un travail thérapeutique, une fois adulte, avec des professionnels (psychologues, psychiatres) spécialisés dans la théorie de l'attachement.
C'est aussi possible de se sécuriser, grâce à la rencontre d'un partenaire secure, bienveillant, empathique, compréhensif et patient.
Cependant, il faut savoir que le travail peut être assez long en fonction de son style d'attachement de base, mais plus la réparation se fait tôt mieux c'est.
C'est important de comprendre cette théorie car elle nous donne beaucoup d'indications sur nous, et sur les potentielles raisons de notre façon de réagir dans certaines situations.
En tant que parents, notre attachement joue sur notre relation à notre enfant. Dans 70% des cas, le parent transmet son style d'attachement à son enfant. Probablement, le vôtre vous a été tranmis par l'un de vos parents.
Quoiqu'il en soit, dans le cadre d'attachement insecure, il n'y a pas de déterminisme.
Il est possible d'apporter plus de sécurité à son enfant en fonction de son style d'attachement, à partir du moment où notre objectif est d'améliorer nos relations parents/enfants.
Marie Laumuno
Infirmière puéricultrice
Sources :
¹ Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse, Pocket evolution, 2015
² Raphaële Miljkovitch, Janvier 2017, La théorie de l’attachement John Bowlby et Mary Ainsworth, traité de psychologie du développement, consulté sur https://www.researchgate.net/publication/319955616_La_theorie_de_l%27attachement_John_Bowlby_et_Mary_Ainsworth
³ Catherine Gueguen, Heureux d'apprendre à l'école, comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l'éducation, Les Arènes, 2018
⁴ Gwénaëlle Persiaux, "Guérir des blessures d'attachement : apprendre à construire des liens apaisés", éditions eyrolles, 2021
Comentarios